Sa préférée est un roman sur les violences intra-familiales, sur l’émancipation et le prix à payer pour s’en éloigner. L’histoire d’une femme profondément blessée mais qui lutte contre son passé et refuse le statut de victime.

 

"Tout à coup, il a un fusil dans les mains. La minute d’avant, je le jure, on mangeait des pommes de terre. Presque en silence. Ma sœur jacassait. Comme souvent. Mon père disait ‶Elle peut pas la boucler, cette gamine″. Mais elle continuait ses babillages. Elle était naïve, joyeuse, un peu sotte, drôle et gentille. (…) Elle ne sentait pas lorsque le souffle de mon père changeait, quand son regard annonçait qu’on allait prendre une bonne volée."

 

Jeanne, la narratrice, qui grandit dans les montagnes valaisannes au début des années 70 apprend très tôt à esquiver puis à tenir tête à la brutalité et la violence de son père, tandis que sa mère et sa sœur s’y résignent. Le silence et la lâcheté des voisins et de leur entourage la poussent à partir loin de sa famille et de son village, où pourtant elle n’aura de cesse de revenir, aimantée par son amour pour sa mère et sa culpabilité de n’avoir pas su la protéger. 

 

Les violences contre les femmes, Sarah Jollien-Fardel qui a également grandi à la même époque dans le canton du Valais, les connaît bien et cela faisait longtemps qu’elle voulait écrire sur le sujet. Chose faite dans ce premier roman qui impressionne par son écriture fiévreuse. "Pour moi c’était important d’écrire avec les tripes, presque en état de transe, je regarde cette histoire comme un film et je décris ce que je vois, j’ai pensé en images", explique-t-elle. 

 
"C’est un roman qui nous a beaucoup touchées par la force et la puissance du texte, par sa finesse également. La rage de vivre de l’héroïne, plutôt que de se laisser enfermer dans un statut de victime, se ressent à travers le texte, cela nous a aussi beaucoup séduites", expliquent Sabine Wespieser et Hannah Balme, en charge des droits étrangers. 

 

Ayant connu un véritable engouement de la part des libraires et des lecteurs, Sa préférée a reçu de nombreux prix dont le Choix Goncourt de la Suisse, le Prix du roman Fnac, mais également le premier Goncourt des Détenus, un prix qui donne l’opportunité à des détenus en France de rencontrer des auteurs, de lire et de débattre autour d’ouvrages littéraires contemporains. 

 

Aujourd'hui les droits ont été cédés dans six pays : l’édition allemande est parue chez Aufbau en février dernier et le livre doit encore être publié en Italie, en Chine, en Croatie ainsi qu’en anglais et en grec. 

 

Katja Petrovic 
Juin 2023