COUP DE PROJECTEUR

AUTEUR Anne Berest
Éditeur Grasset
Date de publication 18 août 2021

Littérature

LA CARTE POSTALE

À partir d'une simple carte postale, Anne Berest part à la recherche de ses aïeux morts à Auschwitz. Une histoire vraie, un récit historique et un polar initiatique ayant "touché au plus profond tous ceux qui l’ont lu", explique Heidi Warneke, directrice des droits étrangers chez Grasset qui en a vendu les droits dans une douzaine de pays. 
 
BIEF : Pourriez-vous brièvement présenter ce roman et son autrice ?
 
Heidi Warneke : C’était en janvier 2003. Dans la boîte aux lettres des parents d’Anne Berest, au milieu des traditionnelles cartes de vœux, se trouvait une carte postale étrange. Elle n’était pas signée, l’auteur avait voulu rester anonyme. L’Opéra Garnier d’un côté, et de l’autre, seuls quatre prénoms : ceux des grands-parents de la mère d’Anne Berest, ainsi que ceux de sa tante et de son oncle, tous morts à Auschwitz en 1942. La carte postale, c’est l’investigation presque policière pour retrouver l’auteur de cette carte postale anonyme qui donne lieu à une saga familiale, à une quête initiatique sur la signification du mot "Juif" dans une vie laïque, mais aussi à une quête des origines.
Anne Berest est l’autrice de nombreux romans : La fille de son père (Seuil, 2010), Les patriarches (Grasset, 2012), Sagan 1954 (Stock, 2014), Recherche femme parfaite (Grasset, 2016), Gabriële, coécrit avec sa sœur Claire (Stock, 2017). Elle a aussi écrit des pièces de théâtre : La visite, Les filles de nos filles (Actes Sud, 2020) et des scénarios pour la télévision.
 
BIEF : C’est un livre, entre autres, sur la déportation d’une famille juive à Auschwitz. Quelle est sa particularité ? Pourquoi cette manière d’aborder le sujet séduit-elle ? 
 
H.W. : Nous pensons que ce qui a séduit et intrigué les lecteurs français ainsi que nos partenaires étrangers est l’originalité de l’angle par lequel le livre aborde son sujet : qui a envoyé cette carte postale et pourquoi ? Quel questionnement cette carte postale a-t-elle engendré chez la narratrice ? Ce suspens qui dure jusqu’à la dernière page est le fil rouge qui permet de dérouler le drame familial ainsi que l’horreur de la Shoah dans un récit fluide, passionnant et très émouvant. Tout s’imbrique alors que l’autrice manie plusieurs lieux, plusieurs époques et surtout plusieurs questionnements à propos de l’origine et des conséquences de l’antisémitisme. Enfin, des thèmes centraux comme la famille et la recherche des origines, superbement menés, sont universels. 
 
BIEF : Le roman a reçu le Prix Renaudot des Lycéens en 2021. Pourquoi parle-t-il aux jeunes lecteurs ? 
 
H.W. : Il y a probablement plusieurs raisons. Le roman raconte la grande Histoire et une des plus grandes tragédies du XXe siècle à travers des personnages très incarnés : en effet, les enfants Rabinovitch ont été déportés à Auschwitz lorsqu’ils étaient lycéens, cela permet aux jeunes lecteurs de s’identifier. Le roman bascule entre passé et présent à travers une quête initiatique qui part des origines et de l’histoire familiale pour arriver à une réflexion profonde sur sa propre identité aujourd’hui. Enfin, le roman a une dimension pédagogique, notamment à travers la relation de la narratrice avec sa mère Lélia et les questions factuelles qu’elle lui pose.
 
BIEF : De manière plus large, quelles ont été les réactions de la presse, des libraires et des lecteurs en France ?
 
H.W. : La carte postale a joui d’un succès immédiat auprès des lecteurs, des libraires et des médias, il a touché au plus profond tous ceux qui l’ont lu. Le roman a figuré dans la deuxième sélection du Prix Goncourt et dans la short-list du Prix Renaudot avant d’être récompensé par le Renaudot des lycéens. De plus, il a bénéficié d’une couverture médiatique exceptionnelle, à la fois auprès des critiques littéraires des grands quotidiens, des news-magazines, de la presse féminine. 
 
BIEF : Combien d’exemplaires avez-vous vendus en France et dans quels pays avez-vous cédé les droits ? 
 
H.W. : Les ventes nettes de l’édition courante en France sont supérieures à 150 000 exemplaires et La carte postale figure toujours sur la liste des meilleures ventes six mois après sa publication. Les droits ont été cédés dans les langues suivantes : espagnol (monde, Lumen), danois (Alpha Forlag), anglais (UK/USA, Europa Editions), allemande (Berlin Verlag), italien (Edizioni E/O), Japonais (Hayakawa), Roumain (Trei), hollandais (Nieuw Amsterdam), lithuanien (Baltos Lankos), polonais (Wydawnicza Foksal), hébreux (Modan).
 
BIEF : Le roman est paru en 2021, en pleine pandémie, sans foires ni salons. Avez-vous mis en place des stratégies particulières pour en vendre les droits ? Qu’avez-vous mis en œuvre pour convaincre les éditeurs étrangers ? Y a-t-il eu une vente importante ayant facilité les autres ?
 
H.W. : La carte postale a été prospectée en amont de sa publication auprès des scouts et éditeurs qui avaient déjà publié Anne Berest par le passé ainsi qu’auprès d’une sélection d’éditeurs internationaux de grande qualité. Nous avons présenté le roman comme "coup de cœur" et "must read", le but étant de faire comprendre que La carte postale était LE roman incontournable de la rentrée littéraire 2021. La carte postale dispose d’indéniables qualités à la fois narratives et littéraires. Il présente cependant aussi un obstacle, celui de son volume avec plus de 500 pages et un coût de traduction élevé. L’enjeu pour nous était donc d’une part d’amener nos partenaires à accepter de considérer ce roman volumineux et de ne pas l’exclure d’emblée pour des raisons de coût. D’autre part de démontrer qu’il avait le potentiel pour séduire à la fois les critiques et les libraires et pour conquérir le grand public. 
 
BIEF : Quelles ont été les réactions à l’étranger ?
 
H.W. : Nous avons reçu des "love letters" magnifiques de la part d’éditeurs étrangers, qui ont beaucoup touché l’autrice, et des offres de la plupart. Généralement, l’accueil des éditeurs étrangers a été très enthousiaste.
 
Propos recueillis par Katja Petrovic 
Mars 2022