Remarquée il y a trente ans avec Les Apparitions (Prix Goncourt du premier roman), Florence Seyvos, également scénariste pour le cinéma, s'inspire de sa propre enfance dans ce récit qui se joue dans les années 80, entre le Havre et la Côte d'Ivoire.
Nous sommes au Havre, où Anna, 16 ans, réside avec sa sœur aînée Irène et leur mère, Maud. Tard dans la soirée, la jeune fille tient compagnie à son beau-père, Jacques. Il est en visite en France avant de retourner à Abidjan, où il essaie tant bien que mal de faire des affaires dans les machines agricoles et où cette famille recomposée a vécu un temps.
Jacques est un homme à la fois autoritaire et rêveur, qui n’a pas d’amis mais un découvert phénoménal à la banque, ce qui ne l’empêche nullement d’acheter sur un coup de tête un mobilier digne d'un palais - semainier, bergère, bureau Louis XVI, et cerise sur le gâteau, un intimidant piano qu’il fait aussitôt livrer à sa famille.
Jacques, c’est "un perdant un peu perdu qui va donner au livre sa cadence singulière, presque hypnotique, et son espèce d’étrangeté en effet magnifique", résume Le Monde des livres. Loin de dénoncer une masculinité toxique, Florence Seyvos fait de cet homme un portrait tout en nuances à travers le regard mélancolique de sa narratrice et une écriture à la fois sobre et tendue.
"La vie avec lui était aussi difficile qu'une ascension en haute montagne. C'était lui qui inventait à chaque heure le paysage, les parois, les abîmes, les points de vue stupéfiants. (…) Pourtant quelque chose en lui nous émouvait, au-delà de l'amour qu'il nous portait. Peut-être était-ce justement sa folie", se souvient Anna, la narratrice de ce roman, quarante ans après.
"Ce roman témoigne d'une époque où des enfants baignaient dans une ambiance bohème aussi fertile qu'inquiétante. C'était une éducation possible parmi d'autres. Elle a le mérite d'avoir contribué à forger la finesse et la sensibilité de la narratrice", estime Libération.
Vendu à 40 000 exemplaires, Un perdant magnifique, lauréat du prix du livre Inter a séduit lecteurs, journalistes et libraires en France. Tous s’accordent sur le fait qu’il s’agit là d’un superbe roman sur l'adolescence, décrite avec beaucoup de justesse et de délicatesse.
Katja Petrovic
Novembre 2025